Ayant vu le film quelques jours avant sa présentation, nous vous en proposons, par la même occasion notre critique, dans le présent article.
Chargé de montrer la voie de cette semaine cinématographique, le film italien « the lamb » (« L’agnello », pour son titre original – ndlr), en faisant l’ouverture de cette 22ème édition du festival « Music & Cinema » d’Aubagne, est resté, au terme de celui-ci, le film « meneur » de la compétition « longs-métrages », qui se composait de dix œuvres cinématographiques.
Il faut dire que Mario Piredda, réalisateur de « The lamb » est, lui-même, une « bête de concours » du cinéma, ayant, à ce jour, obtenu plus de 70 prix dans divers festivals, depuis son premier court métrage « Il suono della miniera » en 2005, et avec seulement six œuvres cinématographiques, avant ce présent longs-métrage – dont, même un épisode de la série « 13.11 », produite par Elenfant Film et diffusée sur RepubblicaTV.
Le cinéma de Mario Piredda est, dans son orientation, dans ses thèmes, et même dans son esthétique et sa narration, un pendant italien à celui du britannique Ken Loach – ayant, à l’instar de ce dernier, débuté par la télévision, en créant la chaîne « Orféo TV », en collaboration avec l’association « Citoyens », en 2002. Et ce premier longs-métrage de fiction (ses deux premiers longs-métrages ayant été des documentaires) qu’est « The lamb » est bien, non seulement, la conséquence logique, mais, également, la somme de son travail de cinématographe de ces quinze années passées.

Le synopsis de « The lamb » :
Le père d’Anita, adolescente rebelle, est gravement malade et en attente d’une greffe. Son frère pourrait être un donneur compatible mais ils ne se parlent plus depuis des années. Anita décide d’intervenir, dans une Sardaigne rude et polluée.
Si ces quelques lignes de synopsis officiel du film sont suffisantes pour donner envie, aux personnes toujours en recherche d’un cinéma social et réaliste – et, accessoirement, se complaisant à pleurer sur la misère du monde, bien installées dans leur confort, histoire de se donner bonne conséquence -, il laisse trop d’éléments essentiels, autant à la compréhension qu’à l’appréhension du propos du réalisateur. Bien sûr, il est a la portée de tout à chacun de saisir de quoi parle ce film, pour ce qui est de son « récit de base », à savoir : le combat contre la maladie du père de l’héroïne et la tentative de cette dernière à faire que son oncle et son père renouent le dialogue afin que le premier puisse sauver le second (à ce propos, une parenthèse pour dire – en évitant de trop en dévoiler -, à quel point cet a priori, induit par le formatage des productions hollywoodiennes depuis leur début, est intelligemment utilisé par son réalisateur).
Malgré cela, il manque au spectateur non parfaitement informé de l’Histoire de la Sardaigne beaucoup trop d’éléments essentiels pour adhérer pleinement au film (nous faisons référence, ici, au public qui ne satisfait pas de la superficialité d’un pathos facile à proposer pour gagner, seulement, le cœur, mais voulant exciter les neurones pour une réelle réflexion). Et, si l’on peut se dire qu’il aurait suffit de deux ou trois phrases de plus, dans le synopsis de présentation du film, pour palier à ce manque, c’est oublier que bon nombre de spectateurs ne lisent jamais les résumés des films, soit parce que ces-dits résumés sont bien trop bavards, depuis vingt ans, et vous dévoilent, si ce n’est la conclusion elle-même, au moins les trois quart du contenu de l’œuvre, soit parce qu’il peut être tout aussi intéressant de « prendre un risque » avec une œuvre, et s’y jeter entier comme on se jette dans le vide de l’inconnu. Quoi qu’il en soit, ce manque d’informations que nous considérons, carrément, comme primordiales pour véritablement reconnaître le plein intérêt de « The lamb », constitue sa grande faiblesse qui le condamne à une carrière limitée à ses propres frontières italiennes (car, mis à part les italiens eux-mêmes, extrêmement rares sont les personnes connaissant suffisamment la Sardaigne pour comprendre, « directement », l’entièreté du message donné par son réalisateur), ainsi qu’au pire des public, celui des « bobos pseudos-intellos » et autres « pleureuses professionnelles » occidentaux, qui aiment tant la misère pourvu qu’elle leur reste exotique et, surtout, qu’elle leur permette de prendre pitié de « l’autre » – la pitié n’étant, bien sûr, que la forme la plus sournoise de l’ego/ethno-centrisme).

Alors, plutôt que de vous parler du cadrage, de la lumière – où même de la bande son – de « The lamb », nous préférons vous donner l’information clé qui vous permettra de véritablement de visiter entièrement le propos de ce film de Mario Piredda, qui a laissé trop de non-dits dans son récit. Cette clé permettant de comprendre – et donc de mieux apprécier « The lamb » – n’est, ni plus ni moins que la présence militaire qui se trouve sur cette île italienne qu’est la Sardaigne ! Il faut savoir que ce n’est pas de l’armée nationale italienne qui y s’y trouve, mais qu’il s’agit d’une « base partagée » des pays alliés de l’Italie (les pays de l’OTAN), qui, depuis des décennies, y testent leurs « nouvelles armes » – « nouvelles armes » trop dangereuses pour que ces pays y exposent leurs propres populations car provoquant dégâts écologiques…et maladies, dont, particulièrement, la leucémie, qui est, en, tout simplement, ce mal qui tue le père de l’héroïne à petit feu, et qui a déjà emporté la mère de l’adolescente bien des années auparavant. Comme vous le constater, cette information est cruciale pour pouvoir bien accueillir ce film et, ainsi, ne pas y voir, juste « un drame familial de plus de la vie de monsieur tout le monde », dont le cinéma se voulant « d’auteur » nous pollue depuis déjà bien trop de décennies. Qui plus est, sachant cela, on comprend, d’une part, le pourquoi de cette si grande misère, de ces paysages si pauvres aussi, et, d’autre part, le pourquoi de la haine que les personnages du film ont à l’égard de cette base et de l’armée qui s’y trouve.
Ayant pour principe d’être toujours pleinement honnête, nous devons avouer que, non seulement pendant, mais aussi, après le visionnage de « The lamb », nous n’étions absolument pas convaincu par celui-ci, ne le trouvant pas du tout mauvais, mais, pour autant, pas particulièrement remarquable, comme le sont plus de 80% des films de ce XXIème siècle, tout simplement. Cette clé manquante nous rendait agaçant ce film et ses « non-explications » dont nous vous avons fait part, ci-avant. C’est, finalement, grâce à ce gène de curiosité qui est sensée faire partie intégrante de tout journaliste digne de ce nom que, parti à la recherche sur la situation de cette île qu’est la Sardaigne, nous avons fait ces découvertes et, qu’enfin, nous avons revu notre jugement sur ce longs-métrage, dans le sens qui lui est favorable, et qui nous met, un peu, en accord avec le jury qui lui a attribué le prix de cette édition 2021 du festival « Music & Cinema » d’Aubagne (sans en faire notre préféré, soit dit en passant).
Avant de conclure, nous n’oublierons pas de rappeler que « The lamb » a doublement été primé, puisque son actrice principale, Nora Strassi, a reçu le prix d’interprétation. Pour notre part, bien que reconnaissant qu’elle joue bien, nous ne lui aurions pas, pour autant, attribué ce prix. Mais il n’y a rien de surprenant dans cette récompense puisque notre société a toujours ce « syndrome de la Lolita », qui lui fait succomber aux adolescentes, et n’est toujours que trop content de pouvoir satisfaire son plaisir sous le prétexte du talent.
Christian Estevez