Canada : Martine Fortier, présidente du syndicat des policiers de Québec, soumise à une enquête disciplinaire.

La Ville de Québec a lancé une enquête disciplinaire contre la présidente du syndicat des policiers.

Cible de cette enquête disciplinaire, Martine Fortier, la présidente du syndicat des policiers se dit, pour sa part, victime d’acharnement et de mesures disproportionnées.

«Ça fait 22 ans que je suis à la police de Québec et c’est la première fois que je suis convoquée à une enquête disciplinaire. Et c’est pour une action que j’ai posée à titre de présidente du syndicat», déplore Martine Fortier.

«C’est abusif, disproportionné. C’est de l’acharnement et ça occasionne beaucoup de frustration chez nos membres.»

Elle souligne que c’est la première fois, à Québec, que la personne à la présidence de la Fraternité des policiers de la Ville de Québec est convoquée en discipline.

«Mes prédécesseurs masculins ont dénoncé à plusieurs reprises diverses problématiques et jamais ils n’ont été traduits en discipline.»

La Ville et le Service de police ont convoqué Martine Fortier en enquête disciplinaire à la suite d’une intervention qu’elle a faite auprès de deux conseillers municipaux.

La présidente du syndicat dénonçait le manque d’effectifs policiers sur le terrain pour faire face aux débordements au parc Victoria lors du déconfinement de la fin mai. Elle déplorait que seuls 50 policiers aient été présents pour contrôler quelque 2000 fêtards.

«Comment croire que 50 policiers puissent répondre aux appels de la ville entière, en plus d’intervenir efficacement et sécuritairement, auprès de telles foules intoxiquées pour faire respecter les différents règlements et lois? Vous comprendrez que les policiers n’ont d’autre choix, dans une telle situation, que de faire preuve de tolérance. Et malheureusement, c’est en faisant preuve d’une trop grande tolérance que la situation risque de devenir hors de contrôle», exposait la policière.

La tentative de la Ville d’obtenir une ordonnance de sauvegarde jusqu’à ce que la demande d’injonction permanente soit entendue sur le fond a échoué le 14 juin, le juge Philippe Cantin ayant jugé qu’il n’était pas urgent que le Tribunal intervienne afin que le syndicat et sa présidente «cessent de faire des déclarations et de divulguer au public des informations relatives aux activités opérationnelles, tactiques ou stratégiques du Service de police».

«La preuve n’établit pas que les défenderesses s’apprêtent à divulguer des informations en contravention à leurs obligations», écrivait le juge Cantin, qui rappelait néanmoins que «même sans le prononcé d’une ordonnance de sauvegarde, les défenderesses demeurent tenues à des obligations de confidentialité et de discrétion».

Le 30 juin, la Ville de Québec a fait parvenir à Martine Fortier un avis d’enquête disciplinaire concernant la fameuse lettre du 31 mai. Là encore, elle lui reproche d’avoir transmis des informations de nature opérationnelle, tactique et stratégique, en contravention du Règlement 5272 sur la discipline des membres du SPVQ.

«C’est donc dire, qu’en plus de s’adresser à la Cour supérieure pour bâillonner la Fraternité ainsi que sa présidente définitivement, la direction désire, de surcroît, me sanctionner personnellement en matière disciplinaire, sans égard à mon statut de représentante de la Fraternité», écrit Martine Fortier dans un communiqué adressé à ses membres et dont a été obtenu copie.

Invitée à commenter cette nouvelle procédure, la présidente de la FPPVQ a souligné qu’en tant que Fraternité, «nous avons le devoir de représenter les policiers et les policières de la Ville de Québec, notamment en intervenant lorsque des situations problématiques sont portées à notre connaissance».

«Tout comme mes prédécesseurs masculins, j’ai à cœur de travailler dans l’intérêt de nos membres […]. C’est donc en m’acquittant de mes responsabilités de représentante syndicale que la Ville de Québec considère que j’ai commis une faute pour laquelle elle s’apprête à me soumettre personnellement à un processus disciplinaire. À cela s’ajoute la requête en injonction interlocutoire […], laquelle vise à me bâillonner en tant que présidente de la Fraternité», écrit la policière dans un message transmis au « Soleil ».

Martine Fortier souligne qu’il s’agit d’une «grande première» au sein de la FPPVQ. «Malgré de nombreuses dénonciations publiques, aucun des policiers ayant occupé avant moi le poste de président de la FPPVQ n’a été convoqué devant un comité de discipline, à titre personnel, après avoir agi en tant que président», expose-t-elle.

«Cet acharnement à mon endroit est inacceptable et suscite énormément de colère chez nos membres», ajoute la policière.

Martine Fortier conclut en assurant qu’elle compte, avec l’appui de son exécutif syndical, se défendre «vigoureusement afin que cesse ce régime de terreur et qu’ainsi l’on puisse enfin se concentrer sur des relations de travail saines et constructives».

Le président de la Fédération des policiers et policières municipaux croit lui aussi que Martine Fortier est victime d’acharnement et de manœuvres «à la limite du harcèlement» de la part de la direction du SPVQ.

«Ce que la Ville de Québec devra comprendre, c’est qu’en s’attaquant à la présidente de la Fraternité, elle s’attaque à tous les membres du Service de police. Je ne peux pas croire qu’en 2021, on se retrouve dans une situation du genre. Je pense que la direction devrait se concentrer à améliorer les services à la population et à prendre soin de la sécurité de ses policiers plutôt que d’essayer de se lancer dans des procédures contre Martine Fortier », a réagi François Lemay.

«On va être en arrière de la présidente de la Fraternité dans ce dossier-là. On n’acceptera pas ça», assure celui qui invite le nouveau directeur du SPVQ, Denis Turcotte, à emprunter un chemin différent de celui de Robert Pigeon et du maire Régis Labeaume. «Il a un choix à faire, et il doit prendre la pleine charge de son travail. On s’attend à ce qu’il mette toutes ses énergies à améliorer le service et à tenter de construire quelque chose avec la représentante des policiers.»

La direction de la police de Québec n’a pas voulu commenter l’avis d’enquête disciplinaire transmis à la présidente de la FPPVQ puisqu’il s’agit d’un «dossier personnel d’un employé».

«La présidente de la FPPVQ est libre de s’exprimer publiquement à sa convenance dans le respect de son mandat de présidente. Ceci étant dit, la FPPVQ demeure un partenaire de premier plan avec qui nous travaillons quotidiennement pour l’ensemble de nos membres dans le but d’offrir un service de grande qualité aux citoyens que nous desservons. Nous continuerons donc de faire avancer les dossiers de manière paritaire comme nous le faisons habituellement», assure la directrice des communications du SPVQ, Marie-Claude Brousseau.

Kevin Negalo

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