Le mardi 12 octobre dernier, une femme a été condamnée à deux ans de prison avec sursis et 1,75 million d’euros d’amende pour blanchiment de fraude fiscale dans une procédure initiée dans le cadre des « Dubaï Papers », des révélations de « l’Obs » faites en 2018 sur un vaste système d’évasion fiscale.
La femme âgée de 60 ans et sans emploi, a reconnu sa culpabilité lors d’une audience de « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » (CRPC) et accepté la peine, qui avait été proposée avec le parquet national financier (PNF). Cette peine, de deux ans d’emprisonnement avec sursis et 1,75 million d’euros d’amende, a été homologuée par le tribunal. Il s’agit de l’une des plus importantes amendes homologuées lors d’une CRPC.
Pendant l’audience, le représentant du PNF a expliqué que cette femme avait appris, en 1997, l’existence d’un héritage familial de 115 millions de dollars, placés dans une banque en Suisse. Sur cette somme, qui avait été partagée avec d’autres membres de sa famille, elle avait hérité de 25 millions de dollars, ce qui représentait à l’époque un peu plus de 21 millions d’euros.
En 2002, par l’intermédiaire du compagnon de sa sœur, elle était mise en contact avec l’un des frères de Croÿ, qui fonderont un peu plus tard le groupe Helin, et à qui elle confiait, par l’intermédiaire d’une donation, la gestion de ses fonds.
Jusqu’en 2019, ce groupe lui permet, par un schéma sophistiqué d’interposition de plusieurs « trusts » et banques, de masquer ces fonds. La bénéficiaire récupérait une partie de cet argent notamment par l’intermédiaire de cartes bancaires préchargées.
En 2019, avec la révélation des « Dubaï Papers » dans la presse, cette personne décidait de se manifester auprès de la justice française. Elle s’est également confiée à « l’Obs » dans un entretien.
A la barre, elle a expliqué que lorsqu’elle avait appris l’existence de cet héritage, « un poids familial énorme », la banque suisse lui avait conseillé « de ne pas bouger », autrement dit de ne pas déclarer cet argent au fisc.
Son avocate, Chloé Belloy, a observé qu’elle n’avait pas changé de train de vie avec cet argent, n’avait pas effectué d’achat immobilier ou d’œuvre d’art. Un argument pris en compte par le parquet national financier, qui a indiqué qu’elle n’avait perçu que « quelques dizaines de milliers d’euros » au total.
Elle a, depuis, régularisé sa situation auprès de l’administration fiscale, à hauteur de 8,6 millions d’euros.
A la suite des révélations sur les « Dubaï Papers », une fuite de 200 000 fichiers, mémos, courriels, lettres et télécopies, le PNF avait ouvert, le 22 février 2019, une enquête préliminaire pour blanchiment aggravé de fraude fiscale.
En France, « l’Obs » avait révélé, en septembre 2018, le « système de blanchiment offshore aux Emirats arabes unis » organisé via le groupe Helin avec « 200 clients recrutés par cooptation : des oligarques russes, des sportifs, des grandes fortunes, des aristocrates et des chefs d’entreprise français ».
En septembre, deux dirigeants d’entreprise avaient déjà été condamnés à Paris à neuf mois de prison avec sursis et 80 000 euros d’amende, dans le cadre des « Dubaï Papers »
Joseph Kouamé