Ce 24 novembre est sorti, au milieu d’un bon nombre d’excellents films, quelques uns qui semblent n’exister que pour nous empêcher de dire que la cuvée cinématographique de cette quarante-septième semaine de 2021 est un millésime.
C’est, en tout premier lieu, le cas du nouveau film d’Emmanuelle Bercot intitulé « De son vivant », chronique d’une mort annoncée et sur la façon de s’y préparer, qui dégouline de guimauve mélo.
Présenté au dernier festival de Cannes – sûrement parce que ses organisateurs avaient besoin de s’assurer la présence de grands interprètes pour ses montées des marches, comme Catherine Deneuve, Benoit Magimel…et de Cécile de France pour qui n’est pas difficile à contenter -, le dernier film d’Emmanuelle Bercot, intitulé « De son vivant », a tout pour plaire aux consommateurs de films faciles, bourrés de « bon sentiments », d’émotion pour animaux humains tétant encore le petit-lait ultra sucré du pathos de « supermarchés d’affects à bas prix » !
Si vous aimez les « rebondissements téléphonés », les « grandes vérités vides » à la Cuelho, Levy et consorts, les gens qui pleurerait devant une vidéo de chat juste parce qu’il serait tombé dans trois centimètres d’eau, que vous vous indigné contre la guerre parce que c’est pas beau, devant la misère parce que c’est triste, et même devant une boule de glace tombée de son cornet parce que c’est injuste, alors…Ce film est fait pour vous !
Pour notre part, très franchement, avec des personnages qui chialent pour un oui ET pour un non, qui s’emportent dans des colères de larmes parce que désemparés de constater que le ciel n’est pas fait que de ciel bleu et que, lorsqu’il pleut, on est mouillé, la seule chose que nous attendions au bout d’à peine vingt des cent vingt-deux minutes (et oui ! En plus, pour ajouter à la torture, vous en prenez pour une « peine de deux heures ») était que l’écran géant de la salle de cinéma redevienne tout blanc. Car, critique professionnel consciencieux, nous ne quittons jamais un film avant que le générique de fin soit bien terminé.
Et, vraiment, ce parcours de fin de vie du héros est un véritable chemin de croix sans « passion » pour qui ne supporte pas ce pathos facile dont nous accable la réalisatrice qui, elle, a fait savoir qu’elle assumait pleinement le fait que son film soit un mélo total. Mais, hélas pour Emmanuelle Bercot – et encore plus pour nous -, n’est pas Ingmar Bergman qui veut, et, de ce fait, ne réussit pas à réaliser un chef d’œuvre avec les mêmes « ingrédients de base » que le monumental « Cris et chuchotements » ! La différence fondamentale entre le film de Bergman précité et ce « De son vivant » de la réalisatrice, c’est qu’est arrivé, il y a quelques années, ces concepts de faibles qui gangrènent la civilisation occidentale et rendent sa disparition inéluctable et très proche, que sont le fameux/fumeux « care » (« soin » en anglais, qui est, en fait, une idéologie anglo-saxonne se disant portée, avant tout, sur le fait de « donner de l’attention », « avoir de la sollicitude » et qui fait parti de l’arsenal « woke », consistant, en réalité, à ne faire que de la sensiblerie bien-pensante, qui traite en mineur des catégories prédéfinies d’individus comme « victimes par essence »).
Sauf que, à n’avoir une grande actrice comme Catherine Deneuve ne jouer que la bienveillance à outrance et n’en faisant, du coup, que de la faiblesse de caractère, un Benoit Magimel qui doit s’affaiblir toujours plus physiquement (l’acteur à été obligé de perdre vingt kilos en quatre mois de tournage pour satisfaire les exigences de sa réalisatrice) pour qu’il puisse inspirer toujours plus de pitié (ce qui n’a rien à voir avec l’empathie) au spectateur, on se dit, définitivement, que ce film ne traite pas du cancer mais est, lui-même, un cancer mortel pour le bon sens, la maturité intellectuelle et la « résilience » nécessaires pour vivre la vraie vie de tous les jours.
Quand on pense que cela faisait cinq ans qu’Emmanuelle Bercot n’avait pas réalisé de film et que l’on voit ce qu’elle nous sort au bout d’un lustre, on se dit qu’elle aurait été bien mieux inspirée d’attendre trois fois plus longtemps avant de revenir au cinéma.
En fait, tout ce que réussit la réalisatrice, en nous parlant de l’accompagnement des personnes condamnés par un cancer irréversible, avec « De son vivant », c’est de nous faire prendre partie pour l’euthanasie, afin de faire cesser la longue agonie du héros…et celle du spectateur, par la même occasion !
Christian Estevez