C’est historique ! Une femme, Keechant Sewell, a été choisie par le nouveau maire de la ville pour diriger le NYPD, un poste généralement occupé par des hommes. Sa nomination intervient alors que la ville se remet de la pandémie de Covid-19 et fait face à une hausse de la criminalité.
Eric Adams s’y était engagé et il a tenu parole. Le tout nouveau maire de New York, démocrate mais conservateur, avait promis de nommer une femme à la tête de sa police municipale (le NYPD) pour la première fois de l’histoire de la force colossale qui emploie quelque 35 000 officiers. C’est désormais chose faite : lors d’une conférence de presse qui s’est tenue mercredi, l’édile a désigné Keechant Sewell, 49 ans, pour succéder à Dermot Shea, qui occupait ce poste depuis fin 2019. L’impétrante entrera en fonction le 1er janvier, le jour même où Eric Adams deviendra officiellement maire de New York, deux mois après sa large victoire lors de l’élection municipale.
« Elle a brisé tous les plafonds de verre sur sa route », a-t-il déclaré, mardi 14 décembre dans la soirée. En choisissant Keechant Sewell, Eric Adams, le futur maire de New York, fait un choix audacieux : celui de placer une femme à la tête du NYPD. Du jamais-vu en 176 ans d’existence de la police new-yorkaise.
« J’ai conscience du caractère historique de ma nomination. En tant que première femme, et seulement troisième personne noire à diriger le NYPD, j’apporte une perspective différente. Et je m’engage à ce que le département ressemble à la ville qu’il sert », a déclaré Keechant Sewell.
«C’est une opportunité extraordinaire. Et je la prends très au sérieux, vu la nature historique de la chose», s’est réjouie, dans un entretien au « New York Post » celle qui va aussi devenir la troisième personne noire à diriger la police de la ville.
Native du Queens, Keechant Sewell a travaillé plus de vingt ans au sein de la police du comté de Nassau, dans l’État de New York, notamment dans le service des stupéfiants et en tant que négociatrice d’otages. Elle a été promue en septembre 2020 au rang de cheffe des enquêteurs de cette entité et dirigé à ce titre une équipe d’environ 2 500 fonctionnaires.
La question de la police a été au cœur de la primaire démocrate pour les municipales, remportée le 22 juin par Eric Adams. La frange progressiste du parti, menée par l’élue de New York Alexandria Ocasio-Cortez, réclame des réformes profondes face aux accusations de racisme et de violences policières portées par les militants de « Black Lives Matter », en particulier après la mort de George Floyd en mai 2020. Mais Eric Adams, lui-même noir et ancien policier, n’est pas sur cette ligne-là. Il s’est déclaré opposé au slogan «Defund the police» (« retirer les fonds [financiers] de la police » – ndlr) dont les partisans appellent à réinvestir une part des financements dédiés à la police dans des programmes sociaux, voire à abolir, pour de bon, la police.
«Avec Keechant Sewell, Eric Adams fait un choix adroit. En nommant une femme noire, il envoie un gage de bonne volonté aux activistes progressistes. Une partie d’entre eux pourraient s’en contenter, même s’ils ne sont pas d’accord avec elle sur le fond», explique à « Libération » Ibrahim Bechrouri, « adjunct professor » à l’Université de la ville de New York et spécialiste des questions de police aux États-Unis. La future cheffe de la police s’est ainsi prononcée en faveur de la reconstitution des unités de policiers en civil, assurant qu’elles «fonctionnent correctement». Celles-ci avaient été démantelées à New York après plusieurs affaires de violences. «Elle est alignée sur les positions d’Eric Adams : d’un côté elle dénonce les violences policières, de l’autre elle propose un discours sécuritaire de tolérance zéro», résume Ibrahim Bechrouri.
A peine choisie pour prendre la tête du NYPD, l’intéressée a nommé sa priorité : la lutte contre «le crime violent», qu’elle s’est dite «absolument déterminée» à combattre. Depuis le début de la crise sanitaire, les chiffres de la délinquance ont sensiblement augmenté à New York, même si une décrue a été observée dernièrement. 167 fusillades ont ainsi été recensées au mois d’août, soit environ le double des niveaux pré-pandémiques. «Nous sommes à un moment charnière à New York. Notre ville fait face aux deux défis que sont la sécurité publique et la responsabilisation de la police. Ce ne sont pas des objectifs mutuellement exclusifs», a insisté, mercredi, Keechant Sewell, lors de sa conférence de presse de prise de fonction.
Joseph Kouamé