Face à l’attitude du gouvernement envers les non-vaccinés, une habitante d’Ille-et-Vilaine a décidé d’essayer de faire entendre sa voix. Ainsi, le 10 janvier dernier, elle a déposé une plainte contre le président de la République, deux ministres et le porte-parole du gouvernement pour des propos qu’elle a jugés « diffamatoires, discriminants et incitant à la haine ».
Après la « remise en cause de sa « citoyenneté » » par Emmanuel Macron, une auto-entrepreneuse refuse de payer ses cotisations sociales.
« Je me présente à votre unité afin de déposer une plainte contre plusieurs personnes publiques.». Ainsi a commencé l’audition d’Hélène Gerray, lundi 10 janvier à 9 h 50, à la brigade de gendarmerie de Louvigné-du-Désert (Ille-et-Vilaine). La plainte en question tient en quatre feuillets et vise « madame Pompili Barbara, ministre de la Transition écologique ; monsieur Véran Olivier, ministre de la Santé ; monsieur Attal Gabriel, porte-parole du gouvernement ; monsieur Macron Emmanuel, président de la République ».
Tous sont accusés d’avoir tenu des propos « diffamatoires, discriminants et incitant à la haine » dans différents médias dont cette Bretonne de bientôt 53 ans, non vaccinée contre le Covid-19, a méticuleusement joint les extraits concernés. Il y a notamment cette fameuse interview au journal « Le Parisien », le 4 janvier dernier, dans laquelle le chef de l’État a déclaré « avoir très envie d’emmerder les non-vaccinés », ces « irresponsables » qui ne sont « plus des citoyens ».
Hélène Gerray n’a pas digéré. Six jours plus tard, elle poussa la porte de la gendarmerie locale, où elle a été « très, très bien accueillie », tient-elle à préciser, consciente que la démarche (qu’elle mène sans avocat) est avant tout « symbolique » et qu’il reviendra au procureur de la République d’en apprécier la recevabilité. « J’espère qu’il croule sous des plaintes du même genre », sourit-elle.
Elle espère un engouement similaire pour sa seconde initiative, celle de geler le versement mensuel de ses cotisations sociales d’auto entrepreneuse. Manifester ne suffit pas ? Autant attaquer l’État au portefeuille. Après avoir, selon elle, été déchue de sa « citoyenneté », aucune raison de continuer d’alimenter le « pot commun », a-t-elle précisé à l’administration fiscale dans son courrier réclamant un sursis de paiement. « Je ne veux pas ne pas payer mes impôts, mais je ne les paierai pas tant que je ne serai pas redevenue une citoyenne normale, libre d’aller où je veux », se justifie-t-elle.
En effet, le vrai point de crispation est là, dans cette atteinte aux libertés fondamentales que représente, selon elle, le passe vaccinal, entré en vigueur le lundi 24 janvier dernier. Pour Hélène Gerray, son combat est collectif puisque les contraintes du nouveau dispositif touchent aussi bien les non-vaccinés (comme elle, donc), que « les vaccinés (qui) ont aussi perdu leur liberté puisqu’il leur faut un laissez-passer pour entrer partout ».
Se posant comme une lanceuse d’alerte (« on est en train d’entrer dans une société du tout-contrôle, du crédit social à la chinoise, avec de bons et de mauvais citoyens »), elle s’insurge que le Conseil constitutionnel, qui a validé l’essentiel du passe vaccinal, « n’arrête pas cela alors que c’est sa mission. S’il ne le fait pas, c’est à nous de le faire, et nous, c’est moi ». Pour sortir les dix Sages de leur supposée léthargie sur ce sujet, elle a alors écrit à chacun d’entre eux par courrier recommandé. D’Alain Juppé à Corinne Luquiens, en passant par Jacques Mézard et, bien sûr, le président dudit Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, tous ont été destinataires de la même « injonction à démissionner » pour avoir validé le principe des passe (sanitaire puis vaccinal) « sur des arguments fallacieux ». À ce jour, pour seules réponses, elle n’a reçu que les dix accusés de réception tamponnés de l’institution qu’elle étale sur la table de son salon.
C’est depuis sa petite maison de location qu’elle mène sa croisade, entre l’ordinateur et l’imprimante, puisque la plupart des lieux publics lui sont désormais interdits, comme les restaurants, les cinémas ou encore la bibliothèque. « Dans le pays de Voltaire, c’est un peu dur à passer pour moi. »
Vacciné ou pas, ce n’est pas le problème.
Mais comment expliquer que, dans le pays des Lumières, justement, les dernières avancées scientifiques ne trouvent pas grâce à ses yeux ? Son rejet de la vaccination, elle l’exprime par le « manque de recul » d’un sérum « toujours en phase expérimentale », des arguments communs à l’ensemble des opposants à l’injection. « Quand on ne sait pas, on ne fait pas », prévient-elle. Peu importe alors que plus de 80 % de la population a au moins reçu une première dose et que de nombreux médecins ont par ailleurs indiqué que la majorité des patients admis en réanimation sont des personnes non vaccinées ou au parcours vaccinal incomplet. « Qu’on m’apporte les sources officielles, pas les on-dit », coupe-t-elle, avant d’évoquer « une amie infirmière qui dit que, dans son service, il n’y a rien ». A-t-elle des chiffres « officiels » à l’appui de ce constat ? « Mais je la crois ! » tranche Hélène Gerray pour éteindre cette contradiction.
De toute façon, son combat n’est pas là, recadre-t-elle. « Vaccinée ou pas, ce n’est pas le problème. » Aujourd’hui, elle assure avoir reçu « des centaines de messages » de toute la France (« et même d’Espagne ») pour obtenir conseil, même si la page Facebook qu’elle a ouverte à destination des autoentrepreneurs intéressés par sa démarche ne réunit à ce jour que 62 membres. Mais c’est un début et « chacun doit créer son propre non », clame-t-elle, fière de son slogan.
« Non », c’est ce qu’elle avait répondu à la gendarmerie le 10 janvier lorsque le militaire chargé de recueillir sa plainte lui avait posé la question rituelle finale : « Avez-vous quelque chose à ajouter ? »
Reste maintenant à savoir si ses opérations de communication porteront leurs fruits.
Joseph Kouamé